De l'hospice à l'autel : L'histoire adoptive de Joseph Marcout

Publié le 5 novembre 2025 à 17:53

Il est des documents que l'on pense connaître par cœur. De ces papiers fondateurs, presque banals, que l'on classe au début de ses recherches avant de ne plus jamais, ou presque, y prêter attention. Nous connaissons tous cette frénésie de la découverte, mais si nous prenions le temps de réécouter ces archives ? Chaque papier est une fenêtre sur le passé, recelant des indices et des fragments d'histoires qui ne demandent qu'à être révélés.

L'archive star du jour ? L'acte de mariage de mes arrière-arrière-arrière-grands-parents, Joseph Marcout et Rosalie Baudoux. Le nom de Joseph vous semble familier ? J'ai déjà abordé son histoire d'enfant adopté, le 17 mai dernier, lors de mon #RDVAncestral n°3, notamment les circonstances qui ont mené sa mère biologique à ce choix difficile. Mais une question restait en suspens : qui était donc ce couple de Mons-en-Pévèle qui l'a recueilli ? L'enquête commence ici.

Chapitre 1 : La pièce à conviction

Voici le document au cœur de l'énigme : un acte de mariage daté du 20 juillet 1858, célébré à Mons-en-Pévèle, dans le Nord.

Je possède cet acte depuis le tout début de mon aventure généalogique, il y a plus de quinze ans. Comme beaucoup, j'ai commencé par bâtir mon ascendance, et ce document était une source primaire, une simple preuve d'union. Je l'ai lu, analysé, rangé.

Pourtant, ce n'est que très récemment, en me penchant sur l'adoption de Joseph, que j'ai réalisé qu'un indice crucial, monumental, sommeillait sous mes yeux depuis toutes ces années. Peut-être que certaines vérités attendent simplement le bon moment pour se révéler.

Chapitre 2 : Le décryptage

Les écritures anciennes peuvent être un défi. Plongeons donc dans la transcription pour y voir plus clair. L'officier d'état civil nous présente les protagonistes de ce jour de juillet 1858 :

  • L'époux : Joseph Désiré Marcout, 23 ans, journalier. L'acte précise qu'il est "né élève de l’hospice général de la ville de Douai". Il est muni d'une procuration de l'hospice l'autorisant à se marier et est domicilié à Mons-en-Pévèle.
  • L'épouse : Rosalie Baudoux, 24 ans, journalière, née et domiciliée à Mons-en-Pévèle.
  • Les parents de l'épouse : Jean-Baptiste Baudoux (55 ans) et Fidéline Lelièvre (56 ans), tous deux journaliers, présents et consentants.
  • Les témoins : Jean-Baptiste Gez (42 ans, journalier), Pierre Joseph Gez (23 ans, journalier), François Ricourt (31 ans, brasseur) et Joseph Facq (57 ans, cultivateur).

Un détail, couché sur le papier par le fonctionnaire, semble sceller les relations de l'assemblée. Une mention répétée, insistante : tous les témoins sont déclarés "non parents des époux". Une information claire, nette, qui ne laisse, a priori, aucune place au doute.

Chapitre 3 : L'interprétation

Que raconte vraiment cet acte, au-delà des faits bruts ? L'histoire de Joseph est singulière. Né à Douai en 1835, il n'est pas un enfant trouvé sur le parvis d'une église. Il a un acte de naissance, une mère, Marie, qui l'abandonne le lendemain de sa venue au monde. Confié à l'hospice, il est placé en nourrice chez la veuve Marcaillot. C'est en réalité la fille de cette dernière, Marie-Caroline Corbisez, qui s'occupera de lui.

Mais pourquoi sa fille porte-t-elle le nom de Corbisez ? Pour le comprendre, il faut faire un détour par l'histoire de sa mère, la "veuve Marcaillot". De son vrai nom Anne Favier, elle avait épousé en premières noces un militaire bourguignon, Jean-Baptiste Marcaillot, qui décède prématurément en 1804. Devenue veuve, elle fréquente ensuite Pierre Corbisez, un journalier de vingt ans son aîné. De leur union naîtront deux filles, Laurence et Marie-Caroline. Mais un drame se joue : Pierre Corbisez décède à son tour, quelques semaines seulement avant la naissance de sa dernière fille. Malgré cette absence, Marie-Caroline sera reconnue et portera donc le nom de son père, Corbisez.

Jeune fille-mère d'un petit Pierre, Marie-Caroline devient la nourrice de Joseph. Mais l'attachement dépasse le simple contrat. Au moment de le rendre à l'hospice, elle déclare vouloir le garder jusqu'à sa majorité et finit par l'adopter. C'est ainsi que Joseph Marcout, né à Douai, se retrouve à grandir à Mons-en-Pévèle.

Relisons maintenant l'acte de mariage à la lumière de ces informations. Les témoins sont "non parents". L'affaire est entendue. Sauf que... mes recherches récentes sur la famille adoptive de Joseph ont révélé un détail qui change tout.

Marie-Caroline Corbisez, sa mère adoptive, a fini par se marier le 16 mai 1848 à Mons-en-Pévèle avec un certain... Jean-Baptiste Gez. Et lors de ce mariage, son époux a reconnu le fils de Marie-Caroline, Pierre, qui est alors devenu Pierre Gez.

Le voile se déchire.

Retournons à la liste des témoins du mariage de Joseph. Deux noms, restés dans la poussière de mes archives pendant 15 ans, jaillissent de la page : Jean-Baptiste Gez et Pierre Joseph Gez.

La déclaration de l'officier était légalement correcte : au regard de la loi, ils n'étaient pas les "parents" biologiques. Mais la vérité se cachait dans la déclaration la plus anodine. Ces témoins, "non-parents", n'étaient autres que le père adoptif et le frère de lait de Joseph. Ils étaient là, ce jour-là, pour soutenir leur fils et leur frère. Cet acte ne mentait pas, il jouait simplement avec les mots, masquant un lien du cœur derrière la froideur du droit.

Chapitre 4 : L'héritage

Confronté à d'autres recherches, cet acte de mariage a pris une valeur inestimable. Il a donné un vrai visage à des noms qui semblaient n'être que de simples figurants. Une nouvelle branche de collatéraux voit ainsi le jour avec cette découverte. Bien que les liens du sang ne les unissent pas, les liens du cœur étaient carrément plus forts. De nouvelles recherches s'imposent désormais sur "sa" famille.

Quelles pistes cette relecture m'ouvre-t-elle ? Je sais maintenant que Joseph a grandi dans le hameau du Wacca avant de rejoindre la famille de son épouse dans le quartier de Martinval, toujours à Mons-en-Pévèle. Les maisons qui l'ont vu grandir et mourir sont-elles toujours debout ? Une exploration s'impose. Plus touchant encore, j'ai découvert que l'un des fils de Joseph, Félix, a lui aussi accueilli des enfants de l'assistance publique. L'écho d'une histoire familiale, une chaîne de solidarité invisible qui se transmet à travers les générations.

En généalogie, il faut toujours s’attendre à de nouvelles surprises, même après plusieurs années. Dès que l'on met un pied dedans, il est difficile de s'arrêter… Alors, on continue. Et comme le dit un jour un vieux paysan à Marcel Pagnol : "Depuis que l'homme est homme, c'est son idée fixe : Savoir ce qu'il y a derrière”.

Et vous, quel est le document qui vous a révélé le plus de surprises ? Avez-vous déjà rencontré dans vos recherches ces "non-parents" qui étaient pourtant au cœur de l'histoire familiale ? Racontez-moi en commentaire !


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