D'Henri à Michel : Le petit-fils du « petit monsieur au chapeau » de Leforest se confie

Publié le 10 mai 2025 à 23:45

Lors de la rédaction de mon article sur Henri Pecqueur, cet intriguant Leforestois dont le visage apparaît sur de nombreuses cartes postales anciennes, je pensais avoir fait le tour de l'histoire, laissant un point d'interrogation quant à sa descendance. La loi sur la protection de la vie privée empêche de telles recherches pour les personnes encore potentiellement en vie (et c'est tout à fait normal !). Cependant, quelques mois après la publication de la vidéo associée sur la page Facebook de « Leforest Mémoire » en 2021, j'ai eu l'immense surprise de recevoir un message qui allait totalement rebattre les cartes.

Henri Pecqueur, une suite inattendue : et la vie continue !

Michel Pecqueur, se présentant comme le petit-fils d'Henri, m'a contacté par e-mail. Quelle incroyable nouvelle !

Pour moi, en tant que généalogiste et passionné d'histoire locale, recevoir un tel message est un moment d'une valeur inestimable. Cela donne soudainement vie et un sens profond aux recherches entreprises, souvent parties d'une simple curiosité, comme se demander : « Tiens ? Qui est cet homme qu'on voit partout sur ces vieilles cartes postales ? » C'est une connexion inattendue qui transforme les noms et les visages du passé en personnes réelles, dont l'histoire continue de résonner à travers leurs descendants.

Grâce à lui, j'allais pouvoir lever le voile sur une partie du mystère qui entourait la vie d'Henri Pecqueur après les événements tragiques de 1918. Afin d'enrichir cette histoire déjà surprenante, j'ai soumis quelques questions à Michel. Ses réponses, empreintes d'émotion et de découvertes personnelles, nous permettent aujourd'hui de tisser un lien inattendu avec cet aïeul hors du commun. Voici le récit de nos échanges.

 

Petite auto-présentation de Michel Pecqueur

Je suis né en décembre 1951, tout comme mon frère aîné Jean-Louis, dans la cantine de la fosse d'Evin-Malmaison. C'est ma grand-mère maternelle qui la tenait, et mes parents y ont habité au début de leur mariage.

Mes parents ont ensuite déménagé à Leforest, où nous avons occupé trois maisons dans la rue Casimir Beugnet (la dernière au numéro 2). Après des études primaires à Leforest, puis secondaires et supérieures en classes prépas au lycée de Douai (actuellement lycée Châtelet), j'ai fait des études de mathématiques à l'Université de Lille pour finir professeur agrégé en 1977. J'ai enseigné aux lycées technique, puis Corot et enfin Châtelet en classe prépa, où j'ai terminé ma carrière en 2013. En même temps, j'ai travaillé pour l'École des Mines de Douai, et je travaille encore un peu pour l'Edhec à Croix.

J'ai joué au tennis de table en compétition, d'abord au club de Leforest, puis à celui de Douai. Je suis marié depuis 1976 avec Évelyne, institutrice en grande partie à Douai. Nous avons deux garçons, tous deux ingénieurs : Thomas à Toulouse et Rémy à Tokyo, qui nous ont donné trois petits-enfants.

Depuis 2013, ma femme et moi sommes à la retraite. J'occupe mon temps entre pastels, aquarelles, golf à Arras et les vacances avec nos petits-enfants toulousains.

Michel Pecqueur

 

I. La Découverte et le lien personnel

Moi : Pourriez-vous me raconter plus en détail les circonstances de votre découverte de la vidéo ? Qu'est-ce qui vous a incité à effectuer cette recherche sur Google avec le nom d"Henri Pecqueur" ce jour-là ?

Michel Pecqueur : Ma découverte de la vidéo YouTube sur Henri Pecqueur est complètement due au hasard ! J'avais dû taper "pecqueur leforest" dans la barre de recherche Google sans raison particulière, comme je le fais dans certains cas pour savoir ce que sont devenus d'anciens amis ou étudiants. J'ai été alors extrêmement surpris, et même interloqué, de découvrir cette vidéo sur mon grand-père. Ça me paraît toujours bizarre de parler de grand-père, car je n'en ai connu aucun des deux !

1908 - Mariage d'Henri et Julia Fontenier – © coll. Michel Pecqueur

 

Moi : Quelle a été votre réaction initiale en visionnant la vidéo et en découvrant l'histoire de votre grand-père sous cet angle, en particulier son désir d'apparaître sur ces cartes postales ?

Michel Pecqueur : Mon père était au courant des cartes postales, et j'ai d'ailleurs retrouvé dans le tas de photos de famille deux photos de la carte "rue du moulin". Il m'avait dit, en me la montrant, qu'il appelait son père « le petit monsieur au chapeau ». Je suppose qu'il l'appelait ainsi lorsqu'il était enfant après la mort de ses parents...

 

Moi : Avant cette découverte, quelles étaient vos connaissances précises concernant Henri Pecqueur et Julia Fontenier, vos grands-parents ? L'anecdote des cartes postales était-elle une histoire familiale connue ?

Michel Pecqueur : Ayant très peu de famille, je n'ai pas montré très souvent la vidéo ! Mais toutes les personnes qui l'ont vue ont, bien sûr, été très étonnées, et surtout admiratives de votre travail de recherche et de la qualité de la réalisation.

 

II. Souvenirs transmis par Marcel (le fils d'Henri)

Moi : Votre père, Marcel, vous parlait-il souvent de ses parents, Henri et Julia ? Si oui, quels types de récits ou d'anecdotes partageait-il avec vous ? Quels souvenirs conservait-il d'eux, même en tenant compte de son jeune âge lors de leur décès ?

Michel Pecqueur : Je n'ai malheureusement aucune réponse intéressante à vous donner concernant cette partie ! Mon père, qui était plutôt secret, n'a jamais parlé de son enfance, que ce soit au Pouzin ou à Leforest, ni de ses parents ! Je ne savais même pas qu'il avait été "recueilli" par ses grands-parents maternels Fontenier ; je viens de le retrouver dans le recensement de 1921 des archives départementales.

1980 – Retour au Pouzin pour Marcel et Louise – © coll. Michel Pecqueur

 

Moi : Avez-vous des informations sur ce qu'est devenu Alphonse Pecqueur, le frère d'Henri, ainsi que sa famille après le tragique événement ? Y a-t-il eu des contacts maintenus avec cette branche de la famille ?

Michel Pecqueur : Concernant son oncle Alphonse, il n'en a jamais parlé non plus. Une des rares choses que je sais me vient de ma mère qui avait dit que les deux frères Pecqueur étaient, à l'époque, les seuls Leforestois à avoir le baccalauréat ! Je ne sais pas si on peut le vérifier. Je me souviens un peu de la tante Berthe (deuxième épouse d'Alphonse), car on la voyait une fois par an pour les étrennes du Nouvel An. Je m'en souviens comme d'une femme élégante et toujours très soignée. On allait chez elle avec mon frère (la maison près de l'église, juste à droite de l'opticien Hancart à l'époque), et je me rappelle qu'on restait assis sans quasiment rien dire devant un morceau de moka. En cherchant dans les Archives départementales, j'ai vu qu'Alphonse avait été marié une première fois à une certaine Marthe Willay, et qu'ils avaient eu une fille du nom de Marthe également, dont je n'ai jamais entendu parler... Je ne sais pas non plus à quoi ressemblait l'oncle Alphonse, car je n'en ai aucune photo !

 

III. La vie de Marcel et la suite de l'histoire familiale

Moi : Quel genre d'homme était votre père, Marcel ? Pourriez-vous nous parler de sa vie, de sa profession après son enfance à Leforest ?

Michel Pecqueur : Mon père était un homme intelligent, tolérant, plutôt secret et toujours bienveillant. Orphelin de père et mère à huit ans, je pense qu'il a dû avoir une enfance assez difficile. Je sais qu'après l'école primaire, il a été pensionnaire jusqu'au brevet au Collège St Vaast de Béthune, où il a dû être un bon élève, car il m'avait dit avoir eu la meilleure note en mathématiques du canton. Il n'était pourtant pas du genre à se vanter. Je suis sûr qu'il aurait pu faire de bonnes études supérieures s'il n'avait pas perdu ses parents. Il a donc été mis très vite au travail et a dû être, entre autres, représentant pour le garage Fontenier (Peugeot à Bersée, il me semble). Après son mariage, il a monté avec ma mère un commerce de gros, demi-gros en épicerie, en même temps que différents commerces successifs (magasin de jouets, supérette en épicerie, puis magasin de vêtements) au 7 rue Emile Basly (à l'emplacement du magasin Super Mod actuel). Mon père a été prisonnier pendant cinq ans à Baden-Baden, mais on n'a jamais eu de détails sur cette période. Sauf que peu de temps avant son décès en 1995, mes parents ont reçu, par l'intermédiaire de la mairie de Leforest, une lettre provenant d'Allemagne, et d'une personne qui, je pense, recherchait son père... Je sais que mon père avait connu une femme en captivité en Allemagne (avant d'avoir rencontré ma mère), car quand mes parents se disputaient, ma mère lui disait souvent : « Retourne voir ton Elizabeth » !

 

Moi : Auriez-vous l'amabilité de partager quelques détails sur son mariage avec Louise Coudoux et la famille qu'ils ont fondée ensemble ? (Nombre d'enfants, lieu de résidence, etc.)

Michel Pecqueur : Après leur mariage en 1946, mes parents ont eu deux garçons : Jean-Louis né en 1948 et Michel né en 1951 (moi donc !), très différents à beaucoup de points de vue. Ils ont vécu au début de leur mariage à Evin-Malmaison chez ma grand-mère maternelle, où mon frère et moi sommes nés, puis ont déménagé à Leforest en 1952 (je pense). Mes parents étaient plutôt fiers des études réussies par leurs fils : mon frère médecin (décédé en 2009) et moi professeur agrégé de mathématiques. Malgré leurs disputes fréquentes (qu'ils aimaient mettre en scène), je crois qu'ils formaient un couple très soudé. Ils étaient très appréciés par toute la famille qui aimait venir à Leforest pour déguster la bonne cuisine de ma mère et ses fameuses tartes... Le seul regret que j'ai maintenant est de ne pas leur avoir posé de questions sur leur vie avant ma naissance. En fait, j'en sais davantage sur ma mère, nettement plus expansive.

1946 - Mariage de Marcel et Louise Coudoux – © coll. Michel Pecqueur

 

Moi : Quand et comment avez-vous personnellement pris connaissance de manière plus approfondie de l'histoire tragique de vos grands-parents ?

Michel Pecqueur : Pour revenir à l'histoire de mes grands-parents, je ne sais plus trop quand j'ai appris leur histoire ; assez jeune, je pense, mais avec beaucoup moins de détails que dans votre vidéo !

 

IV. Le souvenir d'Henri résonne-t-il aujourd'hui ?

Moi : Maintenant que l'histoire d'Henri et son désir d'être remémoré ont été mis en lumière, quelle signification cela revêt-il pour vous et pour votre famille ?

Michel Pecqueur : Je n'en reviens toujours pas que quelqu'un se soit intéressé à l'histoire de mes grands-parents ! Il est vrai qu'elle n'est vraiment pas banale et pourrait faire un bon scénario de film... Je ne peux que vous remercier sincèrement pour tout ce que vous m'avez appris et qui, effectivement, fait revivre Henri et Julia.

 

Moi : Y a-t-il des aspects de leur vie ou de leur histoire que vous aimeriez voir corrigés, précisés ou ajoutés à ce qui a déjà été raconté ?

Michel Pecqueur : La petite correction à apporter à leur histoire est peut-être la cause de leur mort, qui est la grippe espagnole, d'après ce que j'ai toujours entendu. Mais il se peut que le décès d'Henri soit quand même lié à son problème cardiaque, qui a dû s'aggraver à la mort de Julia.


Je tiens à remercier chaleureusement Michel Pecqueur pour sa confiance et pour avoir partagé avec nous ses précieux souvenir, photographies et informations. Cette rencontre inattendue a permis de donner une voix à la descendance d'Henri Pecqueur et de Julia Fontenier, ajoutant une dimension profondément humaine à cette fascinante histoire locale. L'énigme du « photobombeur au chapeau melon » est loin d'être close, mais grâce à ce témoignage, le voile se lève un peu plus sur la vie de ceux qui ont marqué l'histoire de Leforest.

En explorant les photographies personnelles que Michel a eu la grande gentillesse de partager avec moi, l'une d'elles m'a particulièrement amusé. On y voit un groupe de personnes posant tranquillement devant la porte d'un ancien estaminet de Leforest... et devinez qui est là, sur la gauche, au premier plan, avec son fidèle chapeau melon ? Henri, bien sûr ! Ce qui est amusant, c'est qu'il se trouve là avec son vélo, comme s'il avait aperçu la scène se préparer et s'y était incrusté en un éclair, tout aussi « discrètement » que lorsqu'il s'invitait sur les cartes postales du photographe professionnel. Sacré Henri !

Et alors que sur les magnifiques cartes postales son visage restait souvent un peu flou, cette photo le montre plus nettement. Étonnamment, il correspond parfaitement à l'idée que je m'étais faite de lui en le voyant apparaître partout. C'est un clin d'œil inattendu du passé.

 

Si vous n'avez pas encore lu l'article original ou vu la vidéo, je vous invite à les découvrir pour avoir l'ensemble de l'histoire :

 

N'hésitez pas à laisser vos commentaires et vos propres réflexions sur cette histoire qui continue de nous surprendre !

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Commentaires

Fedele Myriam
il y a 21 jours

J'avais lu l'article que j'ai trouvé très bien écrit, une vraie biographie.
Comme le dit son petit fils cela pourrait être un beau scénario !
J'espère que vous nous ferez lire d'autres belles histoires.

Corinne S
il y a 21 jours

Intéressant d’avoir le point de vue du petit-fils !

Caro J
il y a 20 jours

Votre travail est remarquable.
Cette histoire nous tient en haleine.
Merci à ce petit fils d'avoir eu la délicatesse d'enrechir vos recherches.