On croit connaître son histoire, ses racines. On imagine le monde et ses grandes figures comme appartenant à une sphère lointaine, presque inaccessible. Pourtant, la généalogie ne cesse de nous réserver des surprises, et la plus grande d'entre elles est de nous prouver qu'il n'existe aucune distance que le sang et le temps ne puissent franchir. En ce qui me concerne, cette vérité vient de prendre une dimension qui me dépasse. Une découverte a fait voler en éclats les frontières de mon arbre familial pour y greffer une branche que je n'aurais jamais osée imaginer, me reliant à l'une des personnalités les plus éminentes de notre temps. L'improbable est devenu une certitude : il faut croire que les routes de Phalempin, et celles de Chicago en passant par Rome, mènent toutes à Billy-Berclau ! Ce petit village du Pas-de-Calais est devenu le carrefour de nos destins. Laissez-moi vous raconter comment j’ai découvert l’existence d’un cousin plutôt inattendu...
De la Chapelle Sixtine à Billy-Berclau : l'inattendue généalogie d'un Pape
Le soir du 8 mai 2025, au second jour du conclave, je vaquais à mes occupations comme de nombreux Français, la télévision allumée en fond sonore. L'attente était la même pour tous : guetter la fumée blanche s'échappant de la cheminée de la chapelle Sixtine, signe qu'un nouveau Pape avait été élu.
À 18h08, l'événement tant attendu se produisit. Habemus papam. L'élu était Robert Francis Prevost, qui prenait le nom de pontificat de Léon XIV. Ma première réaction fut purement onomastique. « Tiens, Prévost... Ça sonne bien français », me dis-je. Une pensée fugace, aussitôt balayée par l'information officielle : il s'agissait du premier pape né sur le continent nord-américain.
Le lendemain matin, pourtant, un titre de La Voix du Nord attira mon attention et raviva ma curiosité : « Élection de Léon XIV : le nouveau pape aurait un ancêtre originaire de Billy-Berclau ». L'article me fit doublement sourire. D'une part, je réalisais qu'une armée de généalogistes passionnés avait passé la nuit à sonder les origines du nouveau souverain pontife, alors que l'idée ne m'avait même pas effleuré l'esprit. D'autre part, mon intuition première n'était donc pas si mauvaise : ce nom avait bien des racines françaises !
L'article mentionnait des patronymes. Le nom LEROY m'était familier, j'en compte quelques-uns dans ma propre généalogie, mais aucun ne semblait provenir de ce secteur. Un autre nom, cependant, ressortait : LEMELLE. Celui-ci m'était totalement inconnu. Intrigué mais pris d’autres projets, d’autres articles, je n'ai pas poussé la recherche plus loin. J'en suis resté là.
Le puzzle des LEROY : quand les branches de l'arbre se cherchent
Un mois s'était écoulé. Le 13 juin, alors que je préparais mon prochain article pour le #RDVAncestral, j'ai ouvert Hérédis, mon fidèle logiciel de généalogie. J'ai pour habitude, dans ces moments de recherche d'inspiration, de déployer mon arbre en grand, laissant mon regard errer sur les centaines de noms et de lieux qui composent mon histoire, en quête de celui ou celle qui ferait l'objet de ma nouvelle publication.
En l'espace de quatre semaines, l'élection pontificale était sortie de mes pensées. Pourtant, un nom de lieu, parmi tous les autres, sauta à mes yeux avec une évidence déconcertante : Billy-Berclau.
Mon sang ne fit qu'un tour. Je zoomai sur la branche en question et découvris le nom de l'ancêtre qui y était rattaché : Charles, Joseph LEROY, né le 4 mars 1802 à Billy-Berclau. Le logiciel m'indiquait sa filiation — fils de Charles LEROY et de Marie QUEVA — mais rien de plus. Je me souvenais m'être arrêté là, considérant cette lignée comme explorée pour le moment. La question, désormais, était inévitable : ce Charles LEROY, mon ancêtre, pouvait-il être un parent, même lointain, du nouveau pape ?
Laissant de côté mon projet d'article initial, je me suis plongé dans les registres en ligne. Mon objectif était clair : remonter cette lignée LEROY, la mienne, aussi loin que les archives numérisées me le permettraient.
De fil en aiguille, de registre en acte, j'ai fini par atteindre une certaine Suzanne HENNEQUIN. Sa vie, au tournant du XVIIe siècle, semblait être le point de butée de mes recherches, la limite matérielle des registres paroissiaux conservés. Elle avait épousé deux hommes : le premier, vers 1600, un certain Antoine BROCHE ; le second, aux alentours de 1615, un dénommé Aymond DELEBARRE (ou peut-être Edmond ?). Détail fascinant, les archives révélaient que les deux époux avaient travaillé à la « Maison de Jérusalem de Wicres », respectivement en tant qu'Hospitalier et Hôte.
Ma propre lignée était désormais plus claire. L'étape finale, la plus excitante, m'attendait : il était temps de m'atteler à la généalogie du Pape Léon XIV et de voir si, quelque part, nos deux arbres se rejoignaient.

Suzanne : deux arbres pour une même racine ?
Pour percer le mystère, je me suis tourné vers les travaux de La revue française de Généalogie, espérant y trouver une étude sur le pape déjà consolidée. J'y ai d'abord appris une chose surprenante : contrairement à ce que la consonance de son nom pouvait laisser penser, la lignée paternelle directe du pape n'était pas française, mais sicilienne. Son grand-père était né en 1876, près de Messine. Le reste de son arbre, lui, plongeait ses racines principalement en Normandie.
Mais alors, quid de Billy-Berclau ?
Je me suis replongé dans l'article de La Voix du Nord. Il évoquait bien cet ancêtre du pape, un certain François LEMELLE, qui avait quitté l'Artois pour épouser une Marie COQUELIN en Ille-et-Vilaine. L'acte de mariage trouvé à Saint-Servan-sur-Mer, dans la périphérie de Saint-Malo, fut la première clé. Il m'apprit que ce François était le fils d'un autre François Lemelle et de... Marie, Marguerite LEROY ! Décidément, ce patronyme me poursuivait.
L'étude de cette nouvelle branche LEROY fut cependant brève et décevante. Le père de Marie, Marguerite s'appelait Christophe, mais avant lui, rien. Le néant. Les archives ne dévoilaient plus rien, si ce n'est une possible origine de Wicres. Ma propre branche LEROY arrivait de Licques, cette piste semblait s'effondrer.
C'est alors que je me suis penché sur l'époux de cette fameuse Marie, Marguerite LEROY : François LEMELLE. Il était le fils de Jean LEMELLE et de Pauline BROCHE.
Broche... Ce nom résonna instantanément. Comme le premier époux de mon ancêtre Suzanne HENNEQUIN ? Je devais vérifier, et vite ! Le père de Pauline s'appelait Nicolas BROCHE. Et les parents de Nicolas... étaient bien Antoine BROCHE et Suzanne HENNEQUIN. La boucle était bouclée. Pour sceller cette certitude, un détail acheva de me convaincre : au même endroit où son père Antoine avait été Hospitalier, Nicolas Broche était Hôte à "la maison de Jérusalem". Sa demi-soeur, Marie DELEBARRE y travaillait-elle aussi ? Son époux, Nicolas PANIER était, lui, le Greffier de la Seigneurie de Billy Berclau.
C'est là que ma bouche dessina un « O » : je suis un lointain cousin du pape... Lointain dans tous les sens du terme. Mais cousin quand même !
Généalogie descendante de
BRANCHE — Antoine BROCHE ca 1580-
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Nicolas BROCHE ca 1600-ca 1654
& Jeanne, Guilaine LEMIRE
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Pauline BROCHE 1622-1707
& Jean LEMELLE ca 1625-1705
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François LEMELLE ca 1659-ca 1709
& Marie, Marguerite LEROY ca 1660-ca 1698
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François LEMELLE ca 1680-
&1701 Marie, Marguerite COQUELIN
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François LEMELLE 1702-1765
&1728 Marie-Louise MARIETTE 1704-1779
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Jean, François, Denis LEMELLE ca 1724-1789
& Marie, Jeanne, Marthe DAVION
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Louis LEMELLE ca 1772-1836
&1798 Céleste, Olympe GRANDPRE ca 1785-1833
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Céleste LEMELLE ca 1814-1877
& Joseph, Aristide BAQUIÉ 1811-1882
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Ferdinand, David BACQUIÉ 1837-1883
&1864 Eugénie GRAMBOIS 1838-1907
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Louise BACQUIÉ 1868-1945
&1887 Joseph, Nerval MARTINEZ 1864-1926
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Mildred, Agnès MARTINEZ 1912-1990
&1949 Louis, Marius PRÉVOST 1920-1997
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Robert, Francis "Pape Léon XIV" PRÉVOST 1955
BRANCHE — Aymond DELEBARRE ca 1590-
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Marie DELEBARRE ca 1615-ca 1636
& Nicolas PANIER ca 1595-
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Marguerite PANIEZ ca 1635-1687
& Marc LEROY ca 1630-1706
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Adrien LEROY 1655-1732
& Marie GAILLARD
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Jean-Baptiste LEROY ca 1695-1762
&1726 Marie, Jeanne FLAMENT ca 1704-1769
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Charles, François LEROY 1736-1790
&1759 Marie-Anne, Joseph FRANÇOIS 1736-1800
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Charles, François LEROY 1760-1815
&1788 Marie, Elisabeth, Josèphe QUEVA 1764-1816
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Charles, Joseph LEROY 1802-1881
&1827 Célestine, Aldegonde, Joseph DESMARETZ 1799-1871
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Célestine, "Angélique", Joseph LEROY 1816-1884
& Jean-Baptiste, François, Joseph LEROY 1815-1889
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Henri, Augustin, Joseph LEROY 1854-1898
&1878 Célina, Sophie COPIN 1848-1938
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Angélique, Joséphine LEROY 1884-1956
&1901 Henri DHAINAUT 1875-1952
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Auguste DHAINAUT 1904-1961
&1933 Julienne HERBAUT 1906-1996
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Marie-Thérèse, Julienne DHAINAUT 1936-2020
&1955 André DELMER 1930-1999
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M,J. DELMER
& J-M,M. SUERINCK
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Emile SUERINCK
Nota Bene :
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Circa : En généalogie, le mot "circa" (souvent abrégé en "ca.") signifie tout simplement "environ". On l'utilise devant une date de naissance, de mariage ou de décès quand on ne la connaît pas avec exactitude. Par exemple, si vous voyez "né ca. 1870", cela veut dire que l'on estime que la personne est née aux alentours de l'année 1870, sans avoir pu trouver l'acte officiel qui le prouve. C'est une manière d'indiquer une date approximative en attendant de trouver la preuve exacte.
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Je gère l'intégralité de mes données généalogiques sur le logiciel Hérédis et j'utilise Généanet pour le partage public de mes recherches.
Afin de protéger la vie privée des personnes contemporaines, j'ai configuré cet arbre pour masquer automatiquement toutes les informations concernant les individus nés il y a moins de 100 ans. Ces profils ne sont donc pas consultables par le public et n'apparaissent pas dans les moteurs de recherche externes. Si vous ne parvenez pas à accéder à une fiche, c'est très probablement la raison.
La conclusion de cette quête s'imposa alors, avec une clarté un peu mélancolique. Mon ancêtre, Suzanne Hennequin, a eu deux époux. De son premier mariage avec Antoine Broche est issu l’Américain Robert, Francis Prevost, devenu le Pape Léon XIV. Et, moi, Emile, je suis le descendant de son second mariage avec Aymond Delebarre.
La généalogie, qui traverse les frontières et les siècles, nous réserve parfois d'étranges leçons. J'ai la fâcheuse habitude, comme beaucoup, de privilégier mon ascendance directe, dont chacun a laissé une petite pièce du puzzle qui fait ce que je suis aujourd'hui. Mais, force est de constater que c'est la descendance d’une seule ancêtre, Suzanne, qui m'a offert cette surprise. Une histoire à laquelle je ne m'attendais absolument pas, et sur laquelle, un mois plus tôt, je n'aurais pas misé le moindre euro.
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Commentaires
Je vous ai croisé sur Facebook (Généalogie Nord Pas de Calais).. curieuse que je suis.. Phalempin.. et là je vois Leforest.. Dans les arbres que vous partagez, un nom qui est aussi dans le mien "Delmer" (il y en a sûrement d'autres".. Mais bon, je ne suis pas aussi sérieuse que vous, dans mes recherches.. J'ai passé récemment des heures sur un implexe.. (je sais depuis peu ce que c'est, mais au début j'ai cru à une anomalie.. c'est vous dire..).. Je voulais en faire un billet sur mon blog mais je ne sais pas comment m'y prendre.. Bref ! Bravo pour le vôtre ! Je vais m'abonner !