#Généathème – Décembre 2025 : Mon coup de coeur généalogique

Publié le 27 décembre 2025 à 16:00

Pour ce mois de décembre 2025, le #Geneatheme nous lance un défi inspirant : évoquer notre "coup de cœur généalogique" de l'année. Et quelle année ! Pour moi, elle a été marquée par le lancement de ce site où, depuis bientôt un an, je tente de vous emmener dans d'autres époques, au cœur des Archives, pour ramener à la vie de vieux souvenirs.

Cette aventure m'a naturellement amené à observer ce que mes confrères généablogueurs proposaient. Au-delà du récit par le texte, que je privilégie ici, d'autres ont choisi la puissance de l'image. Et dans ce paysage foisonnant, une chaîne YouTube a particulièrement retenu mon attention, se détachant du lot par sa singulière poésie : Ketella Généalogie.

En cette fin d'année 2025, alors que nous passons progressivement de la fiche manuscrite à l'expérience immersive partagée, Gabriel, alias Ketella, incarne ce point de bascule. Il nous prouve que la généalogie n'est pas une activité austère confinée au silence des salles de lecture, mais une enquête vibrante, empruntant aux codes du documentaire et du polar pour toucher nos cœurs.

Le défi de la « généalogie vivante »

Nous sommes tous confrontés à la même problématique : la "vivance" des données. Comment transformer une base de données — ces amoncellements de noms, de dates et de lieux que l'on pourrait qualifier d'ossements numériques — en une matière vivante et inspirante ?

Le défi est immense. La généalogie traditionnelle souffre encore trop souvent d'une image poussiéreuse, technique, voire élitiste. L'enjeu pour des médiateurs nouvelle génération comme Gabriel n'est pas seulement de transmettre une méthode rigoureuse, mais de transmettre une émotion brute. À travers ses vidéos, il parvient à incarner l'histoire familiale, à lui donner un visage, une voix et une géographie, transformant le spectateur passif en chercheur actif, prêt à se lancer dans sa propre quête.

Profil d'un explorateur du Temps : L'anti-expert

Ce qui frappe d'emblée chez Gabriel, c'est sa posture. Loin du ton doctoral de certains experts certifiés, il se présente comme un "amateur passionné". Il revendique une quinzaine d'années d'expérience, ayant débuté à l'adolescence — cet âge charnière de la quête d'identité. Son arbre de près de 3 000 individus n'est pas un trophée achevé, mais un chantier perpétuel qu'il nous ouvre avec humilité.

« Je ne suis pas généalogiste professionnel, je fais ça vraiment par plaisir, j'apprends sur le tas », nous dit-il. Cette phrase est une clé. En montrant ses brouillons, ses schémas faits main et ses "têtes de mort" gribouillées pour signaler les décès, il abolit la distance. Il s'autorise l'erreur et le tâtonnement. Le message est puissant et libérateur : « Si je peux le faire avec mes doutes et mes outils imparfaits, vous le pouvez aussi. »

Une philosophie des « hasards de la vie »

Au cœur de sa démarche réside une sensibilité presque poétique aux coïncidences, ce qu'il nomme les "petits hasards de la vie". Pour lui, la généalogie n'est pas une science froide, c'est une poétique du destin.

Il nous invite à traquer les répétitions, les symétries numériques. Il met en scène, par exemple, le destin de son grand-père Victor : né en 1922 dans le 2e arrondissement, marié en 1944 dans le 4e... une suite logique (22/2e, 44/4e, 66/6e...) qui semble défier les probabilités. De même, il sacralise des dates comme le 23 avril, point nodal de la vie de sa grand-mère Denise. Cette pensée magique appliquée aux archives est un moteur narratif formidable : elle transforme une liste d'événements aléatoires en une destinée écrite, invitant chacun de nous à ré-enchanter son propre passé familial.

Immersion 1 : Le Devoir de Mémoire (L'histoire de Victor)

Pour comprendre comment Gabriel rend "vivante" une généalogie, il faut plonger dans son chef-d'œuvre de micro-histoire : « Mon grand-père dans les années 40. »

Le récit ne s'ouvre pas sur une date, mais sur une promesse brisée. Celle d'un pacte conclu à l'âge de 8 ans avec son grand-père Victor : fêter ensemble son centenaire en 2022. Le décès de l'aïeul en 2011 rend la promesse impossible, mais la vidéo devient l'acte de résilience qui l'honore post-mortem. Nous ne sommes plus dans un cours d'histoire, mais dans un acte d'amour filial.

Quand l'administration devient émotion

La force de Gabriel est de faire hurler la vérité à travers des documents administratifs arides. Sous ses yeux, le Livret Individuel et la Fiche Matricule deviennent des scénarios de cinéma.

  • Il ne dit pas simplement "il a combattu". Il nous fait vivre le recrutement, la bataille d'Obenheim en janvier 1945.

  • Il nous fait ressentir le froid et la peur au moment de sa capture, le jour même de ses 23 ans.

  • Il retrace la longue hospitalisation jusqu'en 1946.

La donnée administrative se mue en expérience sensorielle.

La tragédie du 26 mai 1944

Le moment le plus poignant survient lorsqu'il croise l'histoire intime avec la Grande Histoire : le bombardement de Lyon par l'aviation américaine. Ici, pas de statistiques froides. Gabriel zoome sur une famille. Il révèle l'horreur : Victor, jeune marié et père, perd sa femme Yolande et sa fille Danielle sous les bombes.

Il appuie cette narration sur des documents terribles : les registres de l'hôpital Saint-Luc listant les blessés et les décédés, et les actes de décès secs et brutaux. En superposant ces papiers aux images d'archives de Lyon dévasté, il nous force à voir ce que Victor a vu. On ne pleure pas des inconnus, on pleure des proches.

Mais l'histoire est aussi celle d'une reconstruction. Le remariage "in extremis" sur un lit d'hôpital en 1945, le divorce, puis la rencontre avec Jeanine. Il révèle avec pudeur des secrets de famille, une première vie effacée, prouvant que la vérité généalogique, si elle est parfois douloureuse, est toujours libératrice.

Immersion 2 : La Géographie de la Mémoire (La maison du Cantal)

Si l'histoire de Victor explorait le temps, l'enquête sur la Maison du Cantal explore l'espace et l'ancrage. Tout part d'une invitation aux 40 ans d'une amie, Aurélie. En guise de cadeau, Gabriel décide d'offrir l'histoire de la maison de famille. Il se transforme alors en détective de l'immobilier.

C'est un véritable "True Crime" notarial. Il délaisse l'état civil pour plonger dans les tréfonds du cadastre et des hypothèques.

  • Il traque les habitants du lieu-dit "Escazal" à Siran, épluchant les recensements de 1926, 1931, 1936 comme on surveillerait une planque.

  • Le climax de l'enquête est la découverte de l'acte de vente de 1935, révélant un twist digne d'un roman : l'arrière-grand-père Firmin a acheté la propriété à... son propre oncle, lui aussi nommé Firmin.

Grâce à la technologie, il donne corps à cet héritage. Il superpose les plans du Cadastre Napoléonien du XIXe siècle aux vues satellites actuelles via Google Earth. Ce "morphing" géographique révèle un "empire de 50 hectares". Il re-sacralise le lieu : la famille actuelle peut désormais marcher sur la "parcelle 152 achetée par Firmin" avec une conscience nouvelle. Les larmes d'Aurélie et de son père Robert à la fin de la vidéo répondent à la question "À quoi ça sert ?". Cela sert à créer du lien, à ressouder les générations.

Immersion 3 : L'aventure au bout du monde (Japon)

Gabriel nous prouve enfin que la généalogie peut être une aventure exotique avec sa série sur Ichimura Uzaemon XV.

Ici, nous quittons les Archives Départementales pour une enquête globale. Sur les traces d'un ancêtre japonais, fils du général américain Charles Legendre et figure du théâtre Kabuki, Gabriel nous embarque dans un véritable vlog de voyage. Il utilise la Data Globale (Wikidata) pour localiser une tombe à Tokyo, démontrant l'interconnexion mondiale des sources.

L'expérience devient physique. Nous le suivons, perdu dans le cimetière de Zoshigaya, au milieu de milliers de tombes identiques. Le suspense est réel : va-t-il trouver ? La découverte du "petit panneau" confirmant l'identité est vécue comme une victoire sportive. Mieux encore, il découvre qu'Uzaemon XV repose aux côtés de son partenaire de scène, un acteur onnagata. Il nous enseigne alors qu'au Japon, les liens spirituels et artistiques valent bien les liens du sang.

La mécanique de la transmission : "Just Start"

Comment Gabriel parvient-il à nous donner envie de nous y mettre ? Par une pédagogie de la dédramatisation. Son mantra est simple : « Faites des recherches, vous allez voir ça vaut le coup, c'est hyper passionnant. »

Il combat le syndrome de l'imposteur en nous rappelant que les archives en ligne sont une mine d'or accessible depuis notre canapé. Il n'hésite pas à vulgariser des concepts barbares comme l'implexe en utilisant la pop-culture (Game of Thrones, Futurama) pour nous expliquer que nous sommes tous cousins et que descendre de Charlemagne est finalement... banal et amusant !

Visuellement, c'est une claque. Les arbres poussent à l'écran, les cartes s'animent pour tracer les migrations, et surtout, il nous apprend à lire. Il ne se contente pas de montrer un acte illisible ; il zoome, il surligne les mots-clés en direct.

L'outil au service de l'enquête

Bien qu'il évolue dans l'écosystème du logiciel Généatique, Gabriel garde une lucidité rafraîchissante. Il ne cache pas les frustrations de la communauté (bugs, lourdeurs, IA défaillante) mais adopte une approche "solution". Il nous montre comment dompter la machine pour qu'elle serve notre enquête, et non l'inverse.

Surtout, il transforme la recherche solitaire en aventure collective. Ses sessions sur Twitch ou Discord, ses "recherches coopératives" où la communauté s'entraide pour débloquer des pistes dans l'Hérault ou retrouver un Poilu, réinventent la généalogie comme un jeu d'équipe solidaire.

Conclusion : Une source d'inspiration

Pour ce #Geneatheme de décembre 2025, le choix de Ketella Généalogie s'imposait. Il incarne le futur de notre discipline.

Il réussit le tour de force de rendre la poussière lumineuse. En regardant ses vidéos, on ne voit plus de "vieux papiers", mais des énigmes excitantes qui ne demandent qu'à être résolues. Il nous tend un miroir où nos ancêtres ne sont plus des noms, mais des reflets de nous-mêmes, façonnés par ces improbables "hasards de la vie".

Que vous soyez blogueur débutant ou vieux routier des archives, son travail est une source d'inspiration inépuisable pour continuer à tisser, fil après fil, la grande tapisserie de notre histoire commune.

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Commentaires

Vero de Mortillet
il y a 6 heures

Merci pour cette découverte qui réenchante la généalogie. À travers votre présentation, vous m’avez vraiment donné envie de me plonger dans l’univers de Ketella.

Violette et domi
il y a 5 heures

Bravo Gab
cela nous étonne pas
toujours appliqué et impliqué dans ce que tu fais
Gros bisous Violette et domi

Madjet
il y a une heure

Merci pour Gabriel, tu as fais un témoignage de lui très réaliste. Ce jeune homme mérite d'être connu. Il dépoussière vraiment la généalogie.

De plus tu as une belle plume et tu donnes l'envie aux gens qui ne le connaissent pas encore de le découvrir.

Bravo pour ton article.